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À ceux qui ne peuvent plus écrire

13 Juillet 2012 , Rédigé par Agnan KROICHVILI Publié dans #Textes 2004

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                                                                                                                               Le 8/09/04 2h4mm

publié dans le cadre de l'exposition  Regards croisés,

« La lettre et l’image  du Moyen Age à nos jours

 Puisqu’à ce jour, le travail de nuit ne nuit pas à la santé et que l’occasion se présente d’exposer à la fois dans une cave littéraire et dans une bibliothèque,il n’est plus l’heure de rester muet comme une carpe ou sourd comme une tombe. Comme si on pouvait lire sur un visage, ne dit-on pas que ça se voit comme le nez au milieu de la figure, bon avant de mettre un point final, venons en au fait.

            En effet après en être venu aux mains l’écrit s’envenima, eh oui ! La langue a fourchu, le poison était dans nos veines. Nous voici en ce jour après Mille ans de grâce à feuilleter dans la noirceur des écrits, prêts à lever le voile, à souffler les bougies des candélabres et à manger du poisson sans l’arête plutôt que le ver dans la pomme. N’écrit-on pas noir sur blanc ? Mais comment peut-on faire sans blanc, puisqu’il s’agit de blanchir l’humanité de ses crimes. Comment peut-on se servir en canon, de droit, de tels mots qui à la fois se nourrissaient de chair et de sang pour enfin aujourd’hui embellir nos hivers d’une neige toute artificielle. Ce blanc, encore plus blanc qui s’utilise pour marquer les instants de vie préservés pour traverser les routes et délimiter les frontières. Nous voici donc bien à l’aube d’un jour prêt à retrouver la virginité d’un monde oh combien entaché, la tâche est rude. Car jamais assez de temps ne nous sera accordé pour retracer chaque ligne d’un blanc d’encre et nous effacer humblement pour laisser place à une nature qui au fond sans l’être ne peut vraiment faire semblant. Les voici ces blancs de l’histoire, ces blancs de nos connaissances qui nous font peur. Nous aurons beau enchaîner les manquants, répéter, réécrire les mêmes mots, combler les vides, pousser encore l’effort plus loin pour s’attacher à la blancheur de notre voie lactée, comme le nourrisson au sein de sa mère,  la noirceur de nos actes qu’il soient d’accusation, de guerre ou de naissance ne retraceront jamais vraiment nos vies, car l’homme dans sa foulée, piétine à jamais, ce faisant, croyant bien faire.

            Les croyances s’effondrant, machinalement, nos vies s’ancrent à un monde virtuel, plus de noir, ni de blanc, plus de croche ni de ronde. L’écrit s’énumère à défaut de s’humaniser. Petit à petit, encore une fois on recopie, on sauvegarde, on exporte puis on stocke dans des bibliothèques de câbles et d’acier encore plus de mémoires. À défaut  d’un nouveau monde, voici le monde d’à côté. Un monde sans fin cherchant à rivaliser avec l’infini.

            Ainsi en est-il des nouveaux  explorateurs. La partie est à peine achevée qu’aussitôt il faut en commencer une autre. Mais de partir n’est plus une joie, car l’homme dans sa lancée, les mains au clavier n’a plus que la pupille qui s’écarquille de l’écart toujours plus abyssal de l’instant premier. De cet instant où pour la première fois une main s’agita comme pour transcrire un rythme cardiaque, un séisme intérieur que même un cri n’aurait pu pourfendre.  Un écho dont seul les cieux en acceptent la plénitude.

            C’est de cet écrit dont je vous parle et qu’il me semble par foi retrouver. Baptisé contre écritures par Roland Barthes, geste originel par Leroi Gourhan, j’en appelle aux blancs des yeux pour traduire et conduire nos regards vers ces parties sombres de nos histoires dont l’obscurité n’est plus que l’ombre d’elle-même désertée de nos présences. C’est de cette absence que le blanc résonne en silence pour laisser les couleurs à la vie.

 

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