ce que vous n’aurez pas vu

À propos de « ce que vous n’aurez pas vu »                                      
23 mars 2009

Il s’agit d’une peinture réalisée d’un seul tenant sur une feuille de papier Kraft,

créée en public et en plein air le 23 juillet 1994 à Barcelonnette lors d’une manifestation

organisée par l’association lez arts pour l’art  « Peintures à ciel ouvert ».

Je n’étais pas très chaud pour me prêter au jeu, bien que j’aie apporté du matériel, en me disant on verra bien et qui vivra verra et vice versa.

Au début de la journée, je choisis ce podium de musique pour installer mes peintures. Au devant une grande peinture sur bois que je recouvris d’une feuille de papier Kraft qui deviendra plus tard le support de l’action de peindre en direct. « Peintures à cœur ouvert »

photo J.Bret

De là le titre faisant référence dans sa première vocation explicite à ceux qui ont vu le travail se faire, qui sont revenus parfois et ceux qui n’ont pas vu l’instant mais qui sont aujourd’hui  devant le résultat.

Cette composition en rappelle une autre plus ancienne  au départ et sans intention préméditée, des personnages exécutés avec l’embout d’un grand rouleau naissent comme une écriture, le geste est ininterrompu, on observe encore les jambages comme un fil conducteur.

Cette peinture a été marouflée dans un second temps sur cinq panneaux à cause de sa longueur excessive 4.68 m, tenant compte de la structure des niches de l’arrière plan et alternant les groupes de personnages de plain pied de manière apparente quasi symétrique (4-1-9-1-4).Plus en détail on perçoit successivement 4 personnages puis 1-10-2-8 soit un total de 25 dont deux sont tenus dans les bras, trois s’apparentent à des statues, 4 autres de par leur taille évoquent des enfants les distinguant des 16 autres. À remarquer sur le panneau central en son centre un personnage de taille sensiblement inférieure aux deux autres qui l’entourent pouvant être assimilé à un adolescent. La structure en arrière-plan évoque un édifice religieux non déterminé à caractère roman souligné par les voûtes aux motifs alternés. D’ailleurs cette fresque a trouvé sa place tout naturellement lors d’expositions successivement en l’église d’Anneyron (26)


 de Montmin (74)
      
                        
Le Grand Serre (26)
 
dans le cadre des journées du patrimoine après avoir été exposée au musée de la Bresse Bourguignonne en l'an 2000. D’autres éléments rappellent ce caractère religieux : la présence de croix, de mère à l’enfant et de coiffes évoquant la tiare ainsi qu’un bâton de pèlerin et des tenues vestimentaires. Dans sa base deux lignes de contre écriture, c'est-à-dire sans référence et automatique rappelant la tradition du livre et accentuant la lecture de gauche à droite.

C’est ainsi que l’on peut la lire comme une histoire religieuse  avec au départ les évangélistes puis le cheminement au sein de l’église, de la naissance, aux enfants de chœur et le côté initiatique de son enseignement jusqu'à la vie civile ; l’ensemble rythmé par l’architecture cadençant et reliant cette scène. De là le titre prend une autre dimension symbolique d’un temps que l’on n’a pas connu, du temps que l’on n’a pas vu passer. Beaucoup de personnes ont fait référence à la danse macabre de la Chaise Dieu, plus dans l’esprit que dans la forme.Petite mise à jour  après avoir lu l'ouvrage "itinéraires des danses macabres" de Hélène et Bertrand Utzinger ce jour 11 mars 2010, je suis frappé par cet alphabet des morts et son nombre 25 que l'on retrouve ici. Aujourd’hui  elle prend bonne place au restaurant le Potin Gourmand de Cluny site hautement symbolique. La grande salle du restaurant offre un mur de dimension adéquate pour la présenter dans sa cohérence, proposant à la fois le recul suffisant et une intimité nécessaire. La cheminée ainsi que les pavements de cette salle et son plafond tout de bois, le mobilier créent une ambiance propice aux partages des nourritures terrestres  sans en oublier le caractère du site hautement spirituel avec ce simple rappel non ostentatoire de par sa discrétion, son intégration et les tons doux la constituant. Pour terminer, de cette histoire d’autres peintures ont suivi et bien des signes se sont  rattachés, cristallisés autour. Un des derniers est celui qui me voit participer à l’anniversaire des mille cents ans de la fondation de Cluny avec l’exposition « une présence absente » en 2009 à Baume les messieurs, reconduite en 2010 et celle de Gigny sur Suran "impression de déjà vu". Cette fresque sera-t-elle une arche reliant ces deux mondes dans le temps et dans l’espace ?