Père et pierre

Père et pierre.                                                                                               20 février 2008 4h15

Ces galets à qui l’on voudrait donner une patrie,

Une appartenance tenace

Galet du Rhône, galet de la Drôme, galet de la Galaure etc.

Viennent de bien plus loin

Et ne peuvent se cantonner dans les attributions,

Qu’on leur prête.

Sans vraiment s’étendre sur leur géologie,

Ils étaient déjà rocher, massif, montagne,

Avant d’être pierres qui roulent

Avant d’être arrachés de terre.

C’est une eau bien plus universelle dans son étendue

Qui les fractionna.

Ensuite, ils dévalèrent, roulèrent et s’échouèrent

Accompagnant et bordant ces voies d’eau dans leur retrait.

Ce lit les chahute encore

Quand il gronde et gonfle,

En souvenir du temps ancien de sa magnificence,

De cette eau qui descend des mêmes montagnes

D’où ils proviennent.

Ce ne sont pas des cadavres, ni des rebuts

Mais des vestiges de ce que Dame Nature éroda,

Donnant ce miracle de marcher sur l’eau, sans se mouiller.

Parfois, ils se trouvent déracinés pour une seconde fois

Participant à la construction

De nos peurs en maisons,

De nos espérances en cathédrales,

De nos rêves en temples ou en palais,

Et deviendront synonymes de ce que l’homme érigea.

À moins qu’ils ne deviennent collection

Pour leur forme, leurs fractures, leurs flétrissures,

Leurs traces, stigmates de leurs parcours.

Parfois, ils furent aussi prolongement de la main

Collier de perle ou pierre à compter

En des temps reculés

Finalisant ainsi une preuve archéologique

Signe de leur utilisation.

Ils ont en tout ça de comparable,

Qui explique mon attrait et mon affection pour eux

Avec l’Humanité et son universalité :

Dans cet accompagnement au fil des ans

Dans cette généalogie encore incertaine,

Dans ces origines que l’on nous octroie

Dans ces destins que l’on nous accorde

Et dans ce que la vie provoque en chacun de nous,

De manière bien singulière,

Rendant notre individualité,

Une et indivisible.